Nommons l’ennemi ?

Jean-Lou Fourquet
Après La Bière
Published in
17 min readFeb 18, 2020

--

(Pour ceux qui n’ont pas le temps de lire, vous pouvez écouter l’article ici)

Une critique m’est souvent faite et elle est tout à fait juste, surtout lorsqu’il s’agit de “partir en guerre” (#ClimateIsWWIII): “tu ne nommes pas l’ennemi”. En effet il faut pouvoir le “nommer” si nous ne voulons pas nous condamner à combattre des moulins à vent.

Je pense que la plupart des gens qui me font cette critique ont une idée claire de l’ennemi “à abattre” et une partie de moi est d’accord avec eux. Bien sûr qu’une partie de moi veut hurler :

“mais c’est le capitalisme l’ennemi et forcément, l’ennemi ce sont les 1%, les 1% qui se gavent et prennent des décisions qui mettent en danger la capacité des 99% à survivre.”

Notons d’emblée qu’en fonction de l’ensemble de la population que je considère, il me faut recalibrer le fameux “1%” car si je considère par exemple la population mondiale dans son ensemble, j’ai bien peur que le 1%, ce soit … moi.

Oui, sans aucun doute, il faut combattre le capitalisme actuel

Oui, il est certain que ces gens (les 1% ou les 0,1%, c’est au choix) sont infiniment plus responsables que le commun des mortels.

Oui, leur volonté d’accumuler des biens matériels dans des proportions insolentes leur donnent une responsabilité sans commune mesure avec la nôtre, nous, ventre hélas trop “mou” de la société française.

Oui, la moindre décision d’une de ces personnes aura des milliers de fois plus d’impact que toutes celles que je pourrai prendre dans ma courte vie, combustion de ma carte platine Air France incluse.

Oui, l’ennemi c’est le système financier, ce sont les banques et ce sont ces 20 grandes entreprises qui émettent un “FUCKING TIER” des émissions de CO2 de la planète [1].

OUI, ils sont nos ennemis !

Et oui, il est compréhensible de parfois se laisser aller à penser que cet égoïsme à grande échelle qu’incarne le capitalisme est leur histoire et non la nôtre. C’est eux qui en sont les acteurs, alors que nous n’en sommes que le décor inanimé, irresponsables quant à la tragédie qui se joue.

Mais une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand chose…

Hélas non, nommer l’ennemi aussi simplement ne suffit pas et ne suffira jamais

Cette manière de penser le monde est trop simpliste, trop binaire. Avec notre connaissance actuelle de la complexité, des phénomènes d’émergence [2][3][4] et de la systémique, nous ne pouvons plus prétendre être capables de mettre des limites claires et nettes entre les gens, entre les responsabilités, entre les pouvoirs. Nous sommes un système complexe, composé d’humains et ce qui permet à ce système d’exister et de perdurer réside aussi en chacun de nous.

https://unsplash.com/photos/b7MZ6iGIoSI

Cet écart abyssal, de pouvoir et de responsabilité, entre eux (les 1%) et nous (classe “moyenne +” française), est équivalent à celui qu’il y a entre nous et le milliard de personnes vivant avec moins d’un dollar/jour. De l’exacte même manière que les 1% sont infiniment plus responsables que nous, nous sommes infiniment plus responsables que ces gens là, dans nos décisions et nos actes du quotidien.

Nommer l’immense responsabilité des ultra-riches par rapport à nous tout en omettant de mentionner la nôtre vis à vis de personnes infiniment plus démunies, c’est commettre à mon avis 2 “bévues” :

  1. Eviter de soi-même faire et passer à l’action en se servant de ce “prétexte”. Le fameux et très noble argument qui fonctionne quel que soit le crime : “ouais, mais y’en a qui font bien pire
  2. Ne pas voir qu’au final, le capitalisme, cet ennemi que l’on conspue en permanence n’est qu’une déclinaison parmi tant d’autres de notre capacité humaine à privilégier les nôtres. Nous avons en nous cette tendance à accumuler car nous avons peur de manquer et peur de souffrir car comme le dit si bien Cyril Dion “le problème, c’est qu’on a peur de mourir” [5]. Derrière cette propension insensée à accumuler pour nous-mêmes et pour les nôtres, il y a en définitive cette terreur que nous inspire la conscience de notre propre mort. Ce n’est pas un hasard si la dernière quête en date des ultra-riches, c’est justement de vaincre cette vieille infamie que nous semble être cette condamnation à mort inexorablement égalitaire qu’est la vie ? #transhumanisme

Mais finalement, là où l’humain est câblé pour se tromper, c’est dans la définition de ce que nous appelons les “nôtres”. Historiquement, les “nôtres”, c’était les gens dont notre survie et notre bonheur dépendaient, c’est à dire notre famille proche et notre communauté. Avec le progrès et la complexification de la société, les communautés dont notre bonheur dépend ont grandi. Le basketteur Le Bron l’a bien intégré quand, dans son magnifique hommage à Kobe Bryant, il parle de “famille” pour le stade dans lequel il joue et pour son sport en général [6]. Aujourd’hui est venu le temps où la famille dont nous dépendons immensément est notre éco-système planétaire !

Continuons à privilégier les “nôtres” mais élargissons le concept

Le problème n’est par conséquent pas notre capacité à nous battre pour les “nôtres”, il est dans notre incapacité à faire évoluer et à élargir le concept “nôtre”.

“A good nationalist today is a globalist” (Harari) [7]

Et je pense qu’aujourd’hui, un bon égoïste est un altruiste !

Car finalement, de quoi peut vraiment avoir peur quelqu’un de la classe “moyenne +” française actuelle (comme moi) ? En quoi ai-je besoin d’accumuler plus que ce que je n’ai déjà (c-à-d des habits, un peu de matos informatique, des livres, un vélo et son antivol, un peu d’économie du temps lointain où je gagnais plus d’un SMIC et quelques biens que me laisseront mes parents le plus tard possible) ? Ce que je sais, ce que je suis, ce dont je suis capable, ce que je gagne, ce que j’ai, les gens que je connais me suffiront pour être à l’abri de la faim, du froid et de la détresse sociale tout au long de ma vie, à une seule et énorme condition :

Que le monde ne s’effondre pas !

Si le monde s’effondre par contre, toute la richesse que j’aurai accumulé en écrasant les uns et les autres ne me garantira rien. Dans un monde qui s’effondre vraiment, TOUT peut devenir obsolète, y compris des concepts aussi structurants que celui de “propriété privé” (ne parlons pas des valeurs …). Le risque est par conséquent important que dans un tel monde, il ne me soit pas possible de compter sur “ma” richesse.

A quoi bon faire autre chose de l’argent que nous (les gens qui sont dans une situation similaire à la mienne, c-à-d la majorité, je pense, de mes lecteurs) avons la chance de pouvoir accumuler que de participer à un monde plus juste et plus stable ? Et ce non pas car nous serions emplis de “bons sentiments”, mais tout simplement parce que rationnellement et égoïstement :

Que faire de plus utile de notre surplus d’argent que d’essayer de pallier à la fragilité d’un système qui menacera notre capacité à avoir une vie décente s’il s’écroule ?

A quoi bon faire autre chose de tout surplus d’argent (qui à l’insu de notre plein gré tomberait dans notre escarcelle) que de lutter contre le changement climatique ? #ClimateIsWWIII

Je réfléchis à cette question depuis un moment et je n’ai pas trouvé de meilleure réponse que :

Rien, égoïstement, si je ne pense qu’à ma gueule, je n’ai rien de mieux à faire de mon argent …

Enfin, je pense …

Altruisme efficace ou bien simplement égoïsme rationnel ?

Pour alimenter la réflexion, j’aime beaucoup l’histoire de la “mare” du philosophe Australien Steven Pinker, fervent défenseur de la théorie philosophique dite de l’ “altruisme efficace” [8][9]

Imaginez que vous marchiez à côté d’une mare avec vos nouvelles chaussures. Vous avez longtemps hésité à les acheter car bien qu’ayant eu pour elles un coup de cœur, vous n’avez pas l’habitude de mettre 150 euros dans une paire de pompe. Tout à coup, du milieu de la mare, s’élèvent les bruits d’un enfant qui se débat pour ne pas se noyer. La situation est limpide, l’enfant est en train de couler et a toutes les chances de mourir si vous ne lui portez pas secours dans la seconde. La question est donc la suivante : allez vous utiliser vos compétences malibusiennes, bousiller vos nouvelles chaussures et sauver cet enfant ?

Si une vie est en danger, allez vous prendre le temps de délacer ces satanées bottines (oui mais elles sont siiii belles …), condamnant ainsi l’enfant à se noyer ? Ceux d’entre nous qui savent nager n’hésiteraient pas une seule seconde. Au diable les 150 euros, c’est la VIE d’une personne dont on parle. Que sont des bottines, aussi belles soient elles, face à la vie d’un être humain, à fortiori celle d’un enfant innocent ?

Et pourtant, à chaque fois que nous achetons des habits alors que nos placards en régurgitent littéralement, un barbecue alors que nous avons des plaques à induction, des bières à 8 euros alors que nous n’avons même pas soif et puis au final merde, à chaque fois que nous, personnes privilégiés d’un monde privilégié achetons quasiment QUOI QUE CE SOIT, nous faisons ce choix, de ne pas sauver des vies avec notre argent …

Regardons nous en face : nous faisons quotidiennement ce choix de sauver nos bottines plutôt que de sauver des vies.

Je fais ce choix tous les jours car “loin des yeux, loin du cœur” et je ne me sens absolument pas coupable. Je suis tout simplement humain, conditionné par des millions d’années d’évolution, à privilégier la détresse d’un autrui géographiquement proche à la détresse d’un autrui à l’autre bout de la planète. Et même si nous aimons bien nous parer de “valeurs” telles que l’ “humanisme”, il faut accepter que ce courage de sauter dans la mare et de porter secours est simplement un héritage de l’avantage compétitif qu’a procuré cet instinct chez les tribus dont les membres en étaient porteurs [10].

Nos ancêtres, les survivants de l’histoire humaine, ont été les égoïstes rationnels d’une tribu de 150 [11]. Dans un monde où on ne rencontrait pas beaucoup d’autres êtres humains que les membres de sa tribu, il était avantageux pour la tribu et ses membres de sauver la vie des mauvais nageurs sans y réfléchir à deux fois. Nous héritons culturellement et génétiquement de nombreux traits (dont cet égoïsme rationnel fait partie) façonnés et sélectionnés par un monde qui n’existe plus …

Un monde où la seule manière de nous protéger du monde extérieur, c’était de s’enfoncer dans les entrailles de la Terre et faire des empreintes de sa main pour passer le temps

Nos ennemis, ce sont ces traits culturels et génétiques, rationnels il y a des millions d’années, devenus anachroniques et irrationnels avec l’évolution moderne

Je pense que nous devons absolument comprendre que ce sont ces traits là qui nous amènent TOUS à être à côté de la plaque et particulièrement cet égoïsme, autrefois judicieux et devenu en quelques millions d’années aussi irrationnel qu’inefficace.

Tout en conspuant les ultra riches pour leur égoïsme, pour les inégalités dont ils se bâfrent outrageusement, comprenons qu’ils sont hélas tout aussi “humains” que nous. Comprenons que ce qu’il faut conspuer, c’est cette partie que nous avons tous en commun et qui est à l’origine de ces inégalités et de notre fragilité collective actuelle.

Finalement, notre inhumanité collective prend ses sources dans une partie de l’humanité de chacun. Notre ennemi aujourd’hui, c’est notamment ce trait de caractère, hier notre allié, devenu irrationnel en 2020 : notre égoïsme étroitement tribal.

Faire de cet égoïsme irrationnel dont nous sommes tous les hôtes notre ennemi ne veut pas dire qu’il faut simplement être un “petit colibri” qui fait sa part en auscultant les entrailles de son égoïsme et en l’extirpant douloureusement au milieu d’un monde où des gens gagnent en 1 seconde ce que nous ne gagnerons jamais au cours de notre vie.

Notre ennemi, ce n’est pas “nous-mêmes”, c’est tout ce qui fait de l’espèce humaine une espèce tribale irrationnellement égoïste et bêtement court-termiste.

Il est urgent d’adapter notre égoïsme à 2020 !

Transitons d’un égoïsme irrationnel à un égoïsme rationnel et appelons ça “altruisme efficace” si ça nous fait plaisir. Il s’agit finalement peu ou prou de la même chose même si je trouve la première appellation plus juste et sincère.

Comment faire alors ?

1. Combattons les mécanismes, lois et normes sociétales qui encouragent et permettent à cet égoïsme tribal de s’exprimer

Une partie de ce tout prend racine au fond de chacun de nous et il ne tient qu’à nous de la combattre (on en parle juste après 2.). Une autre partie réside dans les mécanismes d’organisation collective qui nous régissent et nous éloignent de ce qui devrait être notre objectif : être et penser comme une tribu de 7 milliards d’individus qui veut encore être là dans des siècles et qui doit pour cela “ménager sa monture”.

C’est cette dernière partie avec laquelle nous sommes si souvent “à l’aise”. C’est elle et elle seule que nous voudrions appeler “ennemi”. Les grands ennemis, ce serait donc ces 1%, si différents de nous, si fondamentalement plus injustes et plus égoïstes. Ils seraient les absolus méchants d’un jeu cruel dont ils édictent les règles et dont nous serions les absolus gentils.

Et même si cette vision est infiniment trop simpliste, elle comporte une part de vérité. Alors répétons le !

OUI, ce capitalisme débridé, qui précipite notre perte tout en rendant possible cet outrage absolu au bon sens qu’Oxfam dénonce année après année, est un fléau que nous devons combattre de toutes nos forces :

La fortune des 1 % les plus riches du monde « correspond à plus du double des richesses cumulées » des 6,9 milliards les moins riches, soit 92 % de la population du globe ... [12]

Combattons tous ces mécanismes, toutes ces lois ou bien ce manque de lois qui permettent ces inégalités que personne n’ose cautionner.

Oui bien sûr, on peut et on doit se battre, se révolter et rien lâcher afin

  • Qu’une taxe Tobin soit mise en place à l’échelle mondiale,
  • Que l’évasion fiscale cesse,
  • Qu’à partir d’un seuil, les gains soient taxés comme ils le furent aux Etats-Unis dans les années 30, à hauteur de 85%
  • Que les crimes climatiques d’aujourd’hui soient jugés avec plus de sévérité que les crimes contre l’humanité d’hier, à l’inverse de ce que fait le tribunal médiatique actuel. Les journalistes mainstream s’offusquaient la semaine dernière de la dégradation du hall d’accueil de Blackrock bien plus qu’ils ne réagissaient aux crimes climatiques de ce dernier (plus grand investisseur au monde) [13][14]. Ça, c’était bien entendu avant qu’on se reconcentre sur des sujets autrement plus importants : la bite de Griveaux.
Le regard plein de “compassion” d’Arlette Chabot sur un jeune militant écologiste traduit hélas l’incompréhension de beaucoup de journalistes quant à l’infinie gravité des enjeux climatiques
  • Qu’on ne soit plus considéré comme “altruistes” ou même “généreux” lorsqu’on donne 1% de ses bénéfices à des œuvres caritatives (surtout quand on gagne des milliards) mais simplement comme des “égoïstes à peine rationnels”
  • Que nous arrêtions de considérer que le montant d’un salaire constitue un critère de réussite personnelle ou bien qu’on le considère à partir d’un seuil comme “inversement proportionnel” à cette dernière [15] #phraseDeMatheux ;)
  • Complétez la liste en commentaire (regardez le débat aussi sanguinaire qu’intéressant entre Lordon et Piketty pour avoir 2/3 pistes [16]), toutes les idées sont bonnes à considérer :)

On doit absolument œuvrer et lutter en ce sens ! Non pas parce que ce serait plus “juste” mais tout simplement parce que c’est ce dont notre système a besoin si on veut éviter des chocs qu’absolument personne ne peut désirer.

Mais nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la seconde moitié du combat sans laquelle tout le reste restera vain.

2. Appliquons-nous cet égoïsme efficace de 2020 !

Combattre ces mécanismes ne peut pas se faire sans combattre ce qui en chacun de nous en est à l’origine. Les mêmes processus mentaux étant à l’origine du maxi-égoïsme irrationnel des 1% donnent lieu à mon mini-égoïsme tout aussi irrationnel. Si je ne suis pas capable de me rendre compte de ma bêtise, comment espérer que les 1% se rendent compte de la leur et se mettent à soutenir des lois qui contraindront leur liberté de faire n’importe quoi ? Comment améliorer le système sans activement re-paramétrer en soi les propres rouages individuels qui l’enfantent ou du moins le permettent ?

Ce que je que je peux faire à ma mesure et pour aller dans ce sens, c’est prendre au sérieux cette théorie philosophique de l’altruisme efficace (ou plutôt “égoïsme efficace”) dont je parlais plus haut.

Nous pourrions par exemple prendre l’habitude de donner une partie de tout l’argent que nous gagnons au-dessus d’un seuil qui nous semble juste à des ONG/associations qui sauveront plusieurs vies ou bien lutteront contre le changement climatique pour chaque paire de bottines laissée au magasin.

Nous pourrions utiliser notre argent dans des actions qui œuvrent pour une espèce véritablement planétaire se donnant les moyens de se projeter dans le long terme.

Il est d’autant plus facile de planifier un système de dons au-dessus d’un seuil qu’on ne l’a pas encore atteint, le fameux :

“ Quand je serai riche, je donnerai tout ! ”

“bientôt, je donne tout, bientôt, bientôt …”

Tant qu’on ne parle pas de “où commence le surplus de manière précise”, ça ne veut par conséquent rien dire. Si par surplus, j’entends “tout ce que je gagne après avoir dépassé Warren Buffet au classement Forbes”, je prends pas plus de risque que notre Attadamus national qui déclarait en 2011 :

“ 1 chance sur 2 que l’euro disparaisse ” Jaques Attali #MrSoleil

Je pense à quelque chose de beaucoup plus abordable que ça et qui peut par conséquent s’appliquer à beaucoup plus de monde que la “philantropie” classique.

Pour parler de ce que je connais, un célibataire, pouvant vivre en coloc, dont l’activité ne nécessite pas la propriété d’une voiture, peut commencer à donner une partie de ses revenus dès que son salaire commence à dépasser le SMIC (disons 25% du surplus au-dessus du SMIC affecté à des dons). Je pourrai donner une plus grosse partie (disons 50 % du surplus) lorsque je franchirai le palier du salaire médian français (1700 nets) et tout le surplus une fois que j’atteindrai le salaire moyen français (2100 nets) [17].

Pourquoi ces paliers là et pas un seuil de pauvreté “mondial”, plus “absolu” ? Question que je n’ai pas eu le temps de me poser alors que je découvrais le concept via podcast [18] car “William macAskill” y répondit avant même que je la formule :

  • Mener une vie ultra pauvre peut entraver ma capacité à mener à bien mes activités rémunérées et donc finalement ma capacité à “collecter des fonds” #RobinDesBois
  • Si je mène une vie marginale, la capacité à diffuser la pratique de l’altruisme efficace en devient amoindrie (car peu attirante) et donc mon altruisme est moins “efficace” car l’un des objectifs de cette pratique est bien qu’elle devienne la nouvelle norme sociétale.

Et puis tout simplement parce que je n’en suis sincèrement pas capable. Je ne suis pas assez socialement “indépendant” pour vivre comme un ermite en randonnée permanente dans une société qui regarderait de “travers” ce comportement. Je suis un “animal social” qui dépend énormément du regard que la société porte sur mes choix et je ne “vivrai” par conséquent pas bien le fait d’être “à la marge”.

Pour ceux qui se disent : “purée, s’il fait ça, il est sacrément courageux” ou bien “il prend des risques dingues”, je tiens à préciser quelque chose de terriblement important :

NON, je ne prends AUCUN risque, je ne fais preuve d’AUCUN courage et d’AUCUN altruisme en faisant ça”

D’abord parce que je n’ai pas commencé à donner, je suis pour l’heure en deçà de tous les seuils.

Et ensuite parce que lorsque je commencerai à donner, je ferai simplement preuve d’un égoïsme que je pense efficace, rationnel et adapté à la société actuelle. Peut-être que je me trompe, probablement même (honnêtement, quelque part, je l’espère) mais ce n’est pas une quelconque générosité qui me pousse à vouloir faire ça. C’est simplement ma compréhension du monde actuel. Ma conviction est que deux grandes directions s’ouvrent à nous :

  • Une où le monde s’effondre (climat, ressources, énergie, inégalités) et dans ce cas, avoir gagné 1000 ou 5000 euros par mois ne changera rien à la donne … Dans un monde qui s’effondre, celui qui survit n’est pas celui qui s’est construit “son” bunker. Celui qui survit est le dernier à le “faire sien”. Personne ne peut prévoir où ira le pouvoir dans un monde qui s’effondre. Par conséquent, à quoi bon s’y préparer ?
  • Et une autre où nous parvenons, tant bien que mal à ne pas complètement nous effondrer et à perdurer, notamment car nous aurons massivement investi, en temps et en argent, afin de faire en sorte de changer de système. Dans un tel monde, je sais que j’ai la chance d’avoir à la fois les capacités, le réseau et la force de “bien vivre” avec un salaire “normal”.

La seule chose pour laquelle je peux me battre, c’est par conséquent pour que nous parvenions à prendre la seconde direction. Quel que soit l’avenir que nous parviendrons à construire, il me semble logique aujourd’hui d’investir autant d’argent que possible dans des initiatives qui augmentent “nos” (c’est à dire “mes”) chances de se frayer cet étroit chemin dans la dense forêt d’enjeux que le XXIème siècle devra traverser !

Après, soyons honnête, commençons par gagner le SMIC et puis ensuite on aura la chance de pouvoir commencer à distribuer des biftons :).

Et si ça vous intéresse, je rendrai compte de l’évolution de mon modèle économique égoïstement rationnel par ici.

Paix et santé,

Tant que vous êtes là ;), voici les 4 meilleures manières de suivre et de soutenir le projet d’ApresLaBiere. Vous pouvez:

  1. Vous abonner à la “gazette” sans oublier d’ajouter jeanlou(at)apreslabiere.fr à vos emails favoris :

2. Applaudir (en cliquant longtemps sur les petites mains) et commenter ici, directement sur ApresLaBiere.fr :)

3. Liker et suivre ApresLaBiere sur facebook, twitter ou instagram

4. Penser à faire appel à Homo Conscientus (moi :)) pour des conférences, des formations ou des ateliers sur le sujet dans votre organisation ou école.

Sources / Liens / Pour aller plus loin de l’article :

[1] — Article de The guardian : Les 20 entreprises qui se cachent derrière un tiers de toutes les émissions carbone de la planète
[2] — Vidéo de la chaîne Kurzgesagt sur le sujet : Emergence — Comment des choses stupides deviennent intelligentes ensemble
[3] — Article de Waitbutwhy qui parle d’émergence (traduit par une bande d’amateurs pleins de bonne volonté) : Un jeu de géants
[4] — Vidéo incroyable de la chaîne youtube Science Etonnante sur la simulation informatique de l’émergence de systèmes complexes à partir de règles extrêmement simples : “Le jeu de la Vie
[5] — “L’effondrement est déjà là” Cyril Dion — S01 E10 [Next]
[6] — Magnifique speech de Le Bron après la mort de Kobe Bryant
[7] — Conférence de Harari à Davos 2020
[8] — Article wikipedia qui résume l’essai “Famine, affluence, and morality” où Peter Singer parle de cette expérience de pensée de “l’enfant dans la mare”
[9] — TedX “Le pourquoi et le comment de l’altruisme efficace” de Peter Singer
[10] — Même article que [3] mais plus bas dans l’article quand Tim Urban évoque la mentalité “Nous” VS “Eux”
[11] —150, le fameux “Nombre de Dunbar
[12] —Rapport Oxfam 2020
[13] — Tweet vidéo et tweet capture écran au sujet de la comparution d’un jeune militant climatique face à Arlette Chabot
[14] —Article de The Guardian sur l’immense pouvoir et responsabilité de Blackrock sur le changement climatique en fonction de ses politiques d’investissement.
[15] — J’avais écrit un article au sujet de la nécessité de changer nos critères collectifs de succès : “Johnny, le Victor Hugo des temps modernes ?
[16] —Débat aussi sanguinaire qu’intéressant entre Lordon et Piketty
[17] — Page de mon site professionnel Homo Conscientus dédiée à plus de détails sur la démarche
[18] — Podcast “Making Sense” de Sam Harris : “#44 — Being good and doing good” avec William MacAskill

--

--

"La seule liberté, c'est de comprendre ses conditionnements", chroniqueur à ASI, abonnez vous à la gazette d'apreslabiere.fr : http://eepurl.com/dnS6WD