Johnny, le Victor Hugo des temps modernes?

Jean-Lou Fourquet
Après La Bière
Published in
6 min readDec 9, 2017

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Lors des repas du midi à Palanca, on balance plus de saucisses qu’on en mange. Après quelques jours de quarantaine dus à un besoin physiologique de proximité avec les toilettes trop pressant, je me relance avec joie dans la choucroute de nos débats avec Théo et Stéphane que je soupçonne de vénérer secrètement Johnny.

Yo Stéphane,

Quand on a lu 2/3 livres de plus après le brillant “Oui-Oui et les lutins” et qu’on a assez de conscience politique pour comprendre que notre président n’est pas tout à fait au milieu de l’échiquier politique, la superposition de la mort de “Victor Hugo” à la mort de “Johnny” choque un poil. Elle passe aussi bien qu’un fer à repasser et son câble d’alimentation au travers de la gorge. La citation est cadeau, elle nous vient d’Aurore Bergé, jeune et pimpante député de La République En Morceaux:

“Je ne sais pas combien il y aura de personnes dans la rue pour accompagner son départ, je pense que c’est peut-être comparable à ce que la France avait connu avec la mort de Victor Hugo.”

Même si la comparaison me paraissait pour le moins audacieuse, j’ai, comme à mon habitude, tenté de retenir mon jugement (#AccordsToltèques). J’ai bien entendu renforcé ma prudence aussitôt après avoir découvert son circuit d’allégeance politique, convaincu que la richesse de celui-ci avait certainement donné naissance chez Aurore à un avis réfléchi: Sarkozy -> Fillon -> Sarkozy -> Juppé -> Macron. Quand on bouffe à autant de rateliers en aussi peu de temps, ça ne peut qu’éclairer la lanterne de son jugement, c’est forcé!

Mais quand on y réfléchit (lire: “une fois écoulée, 2/3 tonnes de mauvaise foi), la comparaison, en terme d’impact n’est peut-être pas si aussi insensée que ça, on verra bien aujourd’hui, mais en effet, en terme de nombre et d’engouement populaire, il se pourrait bien qu’il y ait équivalence …

Et puis pourquoi pas au final? Même si instinctivement, je trouve ça personnellement effarant, chaque époque, chaque génération de jeunes (qui comme nous le rappelle une bonne partie des pleureurs de ce jour deviendront vieux) a bien le droit de choisir ses “idoles”, où est le mal?

On a tous besoin d’exemples, d’idoles et de héros. C’est un pouvoir qu’on choisit de donner à certains, on pourrait remettre en question la pertinence de l’existence même de ce besoin mais il semble faire partie de nos fonctionnements humains depuis la nuit des temps. Le don de reconnaissance va probablement de pair avec le besoin universel de reconnaissance, c’est pas Abraham et sa pyramide qui nous contrediront:

Depuis notre plus tendre enfance, on bave, on bade et on rêve devant des personnalités qui font, disent ou écrivent des choses qui nous poussent à l’admiration voire à l’adulation. Il peut s’agir:

  • De quelqu’un qui arrive à se déplacer avec prestance dans une sorte de terrain vague herbeux avec un objet rond ou ovale dans les bras ou dans les pieds.
  • De quelqu’un qui en hurlant les bonnes paroles de la bonne manière dans un objet décuplant sa voie arrive à transcender ses congénères, entassés par milliers mais surtout transis de joie et d’émotions.
  • D’autres, qui en exploitant sans compter les ressources (humaines et minières) de la planète parviennent à créer autant de milliards que de besoins tout en nous faisant découvrir de nouveaux horizons et adopter de nouveaux usages de vie.

Nos héros disent quelque chose de nous. Cette société, qui choisit de vénérer un Léo Messi, un Steve Jobs ou un Johnny Hallyday, les célèbre évidemment immensément le jour de leur mort (désolé Léo, j’ai un peu d’avance mais un jour cet article pourra être considéré comme prémonitoire) et quoi de plus logique? Aujourd’hui et potentiellement pour la première fois, tous les sosies de Johnny auront quitté leurs évêchés provinciaux et seront tous réunis à Paris pour un défilé qui promet d’allumer le feu aux champs. Ayons d’ailleurs une pensée émue pour tous les sosies de Claude François actuellement sur le pont pour sauver du naufrage toutes les soirées délaissées à la hâte.

Le défilé des sosies de Johnny dans les rues parisiennes risquent d’être un moment scintillant

Ces héros sont effectivement des “génies” sur leur terrain de prédilection, de la même manière que “Tom Thum”, une des meilleures beatbox humaine de notre époque, ou bien que “Kaitlyn Lawes” championne légendaire de Curling, une des seules sur la planète à avoir réussi une sorte de quadruple carreau de la pétanque sur glace? Pourquoi la société ne nous a t-elle pas conditionné à les aduler eux aussi? Leurs compétences sont-elles moins vénérables? Certaines manières de chanter, certaines manières de pousser une balle de cuir sur une immense pelouse d’herbe ou de glace, seraient plus admirables, admirées et reconnues que d’autres?

Pourquoi ça? Simplement car en fonction de la société dans laquelle on vit, on choisit différemment nos héros et ce faisant, on choisit également les critères qui définissent ce qu’est, pour nous, “un héros” justement:

  • Quels sports, quelles disciplines, sont les plus populaires et sont les plus sujettes à l’adulation?
  • Quels types de caractère, de personnalités seront considérés comme héroïques?
  • Quels choix de vie, quelles valeurs sont glorifiées?

En 1887, c’est Victor Hugo, la littérature, le combat politique et la lutte contre les inégalités qui constituent les critères du héros, en 2017 c’est Johnny, la chanson, les grands shows dans des stades pleins à craquer, l’évasion fiscale et les arrivées fracassantes en Harley ou dans un poing géant, c’est au choix … Chaque époque ses héros ...

L’ouverture du poing a été pensée pour ne pas se retrouver avec un “fuck” stalinien fait à la foule

Mais les héros étant tous des exemples à suivre, des rêves à effleurer, les critères des héros d’aujourd’hui sont aussi les directions de développement instinctives de demain. C’est au travers de nos héros qu’on définit ce que la société trouve cool, ce que collectivement nous estimons être bien, ceux à qui les enfants, les ados, les adultes vont tant bien que mal essayer de ressembler. Ils sont les exemples que nous décidons de mettre en valeur. Ce sont eux et ce qu’ils représentent qui construisent et conditionnent la manière avec laquelle nous allons tous ensuite, toute notre vie durant, tenter de combler nos besoins Abrahamesques (voire Pyramide ci-dessus).

Peut-être serait-il temps de revoir un peu plus stratégiquement les critères qu’on veut retrouver chez nos idoles? Peut-être qu’il faudrait réfléchir un peu plus “politiquement” à qui on veut donner notre “reconnaissance collective” pour qu’elle pousse les besoins de reconnaissance de chacun à mettre son énergie pour aller la chercher dans la “bonne direction”?

Tant que, par exemple, nous donnerons notre reconnaissance à ceux qui amassent, des générations entières chercheront à amasser, si nous commençons à aduler les gens qui, dans la sobriété, partagent et se dévouent pour les autres et pour le bien commun, peut-être que ces mêmes générations demain chercheront à faire de même?

C’est exactement ce qu’explique la superbe vidéo de School of Life: “What do the rich really want?”

Que veulent ils? La même chose que nous: la reconnaissance. Souvent les héros sont des gens comme Johnny, animés d’une énergie incroyable, d’une soif de reconnaissance bien supérieure à la moyenne et qui font simplement ce que la société leur impose afin de l’acquérir. Dans une autre société, ils auraient très bien pu animer cette énergie dans d’autres directions.

Pour que la société change il faut que nos idoles changent, bien sûr, mais ça passe également par nos “idoles” du quotidien, ceux de notre entourage qu’on admire. Demain, à la table de Noël, changeons ceux qu’on admire ou bien plutôt, changeons ce pourquoi on les admire!

Écoutons avec attention notre belle-sœur, hippie sur les bords et vegan au centre (#NoelCestComplexe) raconter ses tentatives d’application de la pédagogie Montessori dans sa classe de grande section. Rebondissons avec agilité lorsque notre beau-frère commencera à évoquer sa voiture, son salaire et ses appartements en changeant l’air de rien le sujet de la discussion et en lui donnant de la reconnaissance pour “autre chose”, pour sa capacité à aimer sa famille et à se décarcasser pour aider ses proches.

Il y a en chacun de nous une partie qu’il faut faire grandir et qui lutte pour “cet autre chose”, pour ce bien commun et c’est pour ça et pour rien d’autre que nous devons forcer nos idoles à se battre!

Ayons des idoles mais choisissons les intelligemment!

Pace é Salute,

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"La seule liberté, c'est de comprendre ses conditionnements", chroniqueur à ASI, abonnez vous à la gazette d'apreslabiere.fr : http://eepurl.com/dnS6WD