De la charrue à Google, le côté obscur de la tech (Moloch 1/6)

Jean-Lou Fourquet
Après La Bière
Published in
18 min readMay 1, 2023

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Cet article est disponible en format vidéo (juste en dessous) et en podcast

Il est la mise en forme du script du premier épisode de la série “Moloch, quand la tech nous submerge” réalisée avec Victor Fersing de la chaîne Youtube La Fabrique Sociale.

Introduction

“L’homme sait assez souvent ce qu’il fait, il sait rarement ce que fait ce qu’il fait” (Paul Valéry)

En ce moment, On est tous un peu largués par la direction que prend notre société. A la limite, les tensions géopolitiques et la destruction de l’environnement, on commençait à avoir l’habitude.

Mais tout récemment il y a eut l’avalanche de ce qu’on appelle les IA génératives (de textes et d’images).

L’intelligence artificielle vient rajouter de l’incertitude à l’incertitude. On entre dans une période où personne ne peut prédire à quoi notre monde ressemblera dans 6 mois ? Avec Victor de la chaîne Youtube La Fabrique Sociale on s’intéresse énormément à l’impact qu’a la technologie sur notre société. Et en ce moment, il y a de quoi être sur le pont h24 parce qu’il semblerait qu’elle se développe un peu trop vite pour nos deux petits cerveaux de primates.

Alors on a décidé de se pencher sur le sujet à travers une série de vidéos, retranscrites ici sous forme d’articles, histoire de comprendre dans quelle direction nos innovations technologiques risquent de nous emmener.

Pour commencer, on va tenter dans ce premier article de comprendre comment des technologies ont bouleversé nos sociétés, pour le meilleur, comme pour le pire.

I) EXEMPLES HISTORIQUES

A) L’exemple de la charrue

Le terme “technologie” a des usages et des définitions différentes. On retiendra celle-ci :

“La technologie, c’est l’application de connaissances complexes à la résolution de problèmes, intégrées dans des artefacts conçus intentionnellement et suffisamment compliqués pour nécessiter une ingénierie.”¹

Donc par exemple, une ampoule peut-être considérée comme une technologie, puisque ça résout un problème :

Et c’est un objet complexe qui est aussi le produit d’une réflexion humaine.

À l’inverse, la lumière du Soleil n’est pas une technologie à proprement parler, puisqu’elle n’a pas nécessité d’intervention humaine, même si elle très utile et qu’elle est issue d’un processus complexe.

Alors oui, on sait tous que les technologies comme l’ampoule ont profondément changé nos sociétés. Mais est ce qu’on réalise vraiment à quel point ?

Pas certains...

Dans son livre “Sex, ecology and spirituality”², l’écrivain américain Ken Wilber analyse l’impact qu’a pu avoir une technologie aussi “innocente” que la charrue.

La charrue, comme toute technologie, avait un objectif principal : augmenter la production de nourriture, et donc diminuer les risques de famine.

Mais l’adoption de la charrue aurait eu tout un tas de conséquences imprévisibles sur notre monde..³ ⁵ ⁷

Lorsqu’une technologie est adoptée par une société, elle remplit non seulement un objectif principal, mais elle provoque aussi malgré elle d’autres changements.

C’est ce qu’on appellera : un effet indirect.

Selon de nombreuses recherches, la charrue aurait pu avoir des effets indirects extrêmement importants sur nos sociétés, à commencer par nos croyances religieuses. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs étaient certes déjà croyants, mais leur croyance n’avaient rien à voir avec les grands courants religieux actuels.

Les chasseurs-cueilleurs attribuaient souvent un esprit aux êtres vivants, comme les animaux, mais aussi aux objets inanimés, comme les pierres ou le vent. Il s’agit d’un type de religion qui voit de la personnalité dans les phénomènes naturels : l’animisme. L’adoption massive de la charrue aurait précipité la disparition de ce type de croyances. Daniel Schmachtenberger résume l’argument ainsi :

“Tu ne peux pas harnacher un boeuf à un joug, lui couper les testicules et le battre à longueur de journée et avoir des croyances animistes”

La contradiction est en effet “délicate” à maintenir dans le temps. A croire que la souffrance due à la dissonance cognitive n’est pas seulement un phénomène moderne.

Mais alors dans quelle direction pencher pour résoudre cette dissonance ?

Abandonner l’utilisation de la charrue pour conserver les valeurs de l’animisme, ou bien faire une croix sur ces valeurs pour se protéger d’éventuelles famines ?

La survie a primé sur les valeurs.

Et alors que les sociétés animistes se considéraient comme partie intégrante de la nature, les sociétés agraires ont complètement changé de philosophie.

Nous n’étions plus les enfants de la nature, nous étions devenus ses maîtres.

Ce rapport au monde est encore aux fondements de la civilisation moderne : la nature doit être au service de l’humain, et non l’inverse.

Mais les effets indirects de la charrue ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Selon différentes études, la répartition des rôles entre hommes et femmes pourraient en partie être expliquée par les traditions agricoles d’une société. L’adoption de la charrue aurait pu y jouer un rôle déterminant.

Maîtriser une charrue est un exercice qui nécessite des capacités spécifiques : beaucoup de force en haut du corps et une forte poigne pour contrôler l’objet ou l’animal qui la tire.

Des caractéristiques qui sont surreprésentées dans la population masculine. La charrue aurait donc donné à l’homme le rôle de producteur principal de nourriture dans les sociétés agricoles.

Ce n’était pas forcément le cas dans les sociétés horticoles, où à l’inverse, les femmes pouvaient produire la majorité de la nourriture.

L’anthropologue Peggy Sanday analysait ainsi que les divinités féminines apparaissent quasiment exclusivement dans les sociétés horticoles, qui précédaient l’invention de la charrue. À l’inverse, dans les sociétés qui utilisaient la charrue, quasiment toutes les divinités étaient masculines.

Des milliers d’années après son invention, l’adoption de la charrue laisse encore des traces dans nos sociétés actuelles. Au Burundi par exemple, un pays où l’agriculture est marquée par l’utilisation de la houe et non du joug, 90% des femmes travaillent hors du foyer. A l’inverse, en Inde où l’agriculture a été marquée par la charrue, les femmes restent beaucoup plus présentes dans le foyer³.

L’adoption massive de la charrue aurait donc engendré des effets indirects extrêmement importants, et a pu changer malgré elle l’histoire des sociétés humaines, pour le meilleur comme pour le pire.

Passons maintenant à un exemple, de merde… littéralement

B) L’exemple de merde

Au XIXème siècle dans le centre du monde moderne que constituait Londres, le transport des individus et des marchandises dépendait fortement d’un moyen de transport assez particulier : le cheval.

Pour assurer la mobilité de ses habitants, Londres devait employer les gros moyens. On estime qu’en 1900, la capitale anglaise disposait d’au moins 100 000 chevaux pour déplacer les londoniens. Mais alors que les besoins de déplacement augmentaient avec le temps, un effet indirect et qui n’aurait pas du être si inattendu que ça, est apparu : le caca de cheval.

Effectivement, le cheval, comme tout animal, fait caca. Quand il y en a un, ça va, quand il y en a 100 000...

Ainsi, le magazine Time calculait qu’au rythme de défection des chevaux londoniens, dans 50 ans chaque rue de Londres serait ensevelie sous 3 mètres de caca.

Le caca rendait la ville extrêmement puante, collait aux semelles des chaussures des pauvres londoniens, et contaminait l’approvisionnement en eau. Une véritable cascade d’effets indirects s’était abattue sur Londres. L’heure était grave. ⁸ ⁹ ¹⁰

Il fallait trouver une solution avant que Londres ne se transforme en une gigantesque pyramide de fumier. Heureusement, quelques années plus tard, une solution miracle fit son apparition : la voiture.

L’automobile, en remplaçant le cheval comme mode de transport principal, a non seulement facilité le déplacement des londoniens, mais a également résolu ce fameux problème de merde.

Mais ne crions pas victoire trop vite.

L’automobile, comme les chevaux ou la charrue, allait provoquer des effets indirects inattendus, parfois bons, parfois mauvais.

Par exemple, la prolifération des pots d’échappement a participé à l’accélération de la carbonation de nos sociétés industrielles, ce qui a in fine débouché sur le changement climatique contre lequel nous luttons aujourd’hui.

Mais au-delà de son impact environnemental désastreux, la voiture a également eut des effets indirects catastrophiques sur notre cerveau.

En 1911, l’ingénieur Thomas Midgley invente le plomb tétraéthyle, une molécule qui permet de rendre le moteur des voitures moins bruyant. La solution est rapidement adoptée par les constructeurs automobiles du monde entier.

Sauf que Midgley a caché une information au grand public.

Le plomb tétraéthyle est une molécule extrêmement nocive qui attaque le cerveau des personnes la respirant. Le plomb tétraéthyle, en attaquant le cerveau, pourrait également être responsable de l’explosion des crimes violents dans le monde dans les années 60’s.

Tous ces effets n’ont réellement été compris que des décennies plus tard. En attendant, les dommages causés sont irréversibles.¹¹

Ces deux exemples ont de quoi encourager l’humanité à un minimum d’humilité quand elle diffuse une nouvelle tech et c’est d’autant plus vrai que nous rendons une technologie accessible au monde entier, quasi instantanément, de partout, tout le temps et gratuitement.

C) L’exemple de Google

On va maintenant se pencher sur une technologie plus “récente”, après la charrue c’était pas mission impossible : le moteur de recherche de Google sorti en 1998. L’objectif premier de cette technologie était simple : mettre un peu d’ordre dans le bazar du Web. Et c’était franchement hyper nécessaire.

Les plus anciens eux s’en souviennent, à cette époque, il commençait à y avoir des pages dans tous les sens et plus personne ne s’y retrouvait vraiment. Quand on cherchait une info, on avait l’impression d’être Gaston Lagaffe qui cherchait le fameux contrat dans sa grotte creusée dans une montagne de dossier”, il fallait un meilleur moyen de s’y retrouver.

A l’époque y’avait un portail de recherche qui s’appelait “Lycos”, le symbole c’était un chien noir qui était supposé filé comme l’éclair dans les tréfonds d’internet pour nous rapporter l’info comme s’il s’agissait d’un baton. Sur le bouton pour lancer la recherche, y’avait littéralement écrit “go get it”.

On connait tous ces chiens qui font semblant de rapporter le bon bâton en remuant la queue tout fier d’eux alors qu’ils ont un vieux sac plastique entre les crocs. Le chien de Lycos, c’était pareil mais avec les infos de la toile.

Personne à l’époque n’avait réussit à faire “sens” de toute l’information qu’il y avait sur le Web et c’est là où google est arrivé avec un algorithme qui est depuis entré dans la légende : “page rank”¹². Cet algorithme partait du principe très simple que plus il y avait de liens qui pointaient vers votre site, notamment quand ces liens venaient de sites qui eux mêmes étaient importants, plus la probabilité était grande que votre site soit pertinent¹³.

Et ça a complètement changé le game, Google avait des réponses bien plus pertinentes que les autres et en l’espace de 4 ans, Google a mis le chien fou en PLS et est devenu le leader du marché avec un moteur de recherche digne de ce nom.

vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=yMpj33Y95ZU ¹⁴

On a du mal à y croire aujourd’hui mais il y avait à l’époque zéro pub sur Google. Les fondateurs de Google s’étaient même exprimés publiquement contre le lien entre publicité et moteur de recherche, c’est dire si c’est loin...¹⁵

Alors bien sûr on peut se dire qu’il s’agit cette fois d’une techno avec simplement des effets directs positifs.

Oui mais en fait non pas du tout parce que certes ils avaient zéro pub mais ils avaient surtout zéro modèle économique. Et quand les investisseurs ont sonné la fin de la récré et que la bulle internet a éclaté, Google a dû, pour survivre, reconsidérer sa position un peu idéaliste quant à la pub.

Encore une fois, la survie a primé sur les valeurs.

Par contre, tant qu’à la reconsidérer, Google l’a fait de la manière la plus “maline” possible.¹⁶

Pour comprendre le génie de comment ils ont implémenté la pub sur leur moteur de recherche par rapport à ce qui se faisait à l’époque dans la concurrence, il faut se remettre dans l’esprit des années 2000.

A l’époque, on est d’accord, c’est la préhistoire d’internet et donc à fortiori de la pub sur le web. Rien que vendre des mots-clés à des annonceurs pour leur assurer l’affichage de leur site en fonction d’une requête utilisateur, c’était une innovation incroyable et il y avait d’ailleurs qu’une seule plateforme qui le faisait : goto.com¹⁷

Et Google, en plus d’avoir un moteur de recherche bien plus efficace, est allé un cran plus loin : ils se sont mis à vendre non plus des mots clés mais des nombres de clicks. Les annonceurs ne choisissaient plus leurs mots clés eux-mêmes mais ils déléguaient la tâche à Google qui, avec toutes les infos à sa disposition — à commencer par les requêtes utilisateurs — choisissait d’imprimer les publicités uniquement aux utilisateurs les plus à mêmes de cliquer.

En fait les annonceurs ne payaient que si l’impression aboutissait à un click. Ça avait pour effet de maximiser l’impact des campagnes côté annonceurs tout en évitant de polluer les résultats côté utilisateur comme sur goto.com — où les grosses marques achetaient tout un dictionnaire de mots-clés histoire de s’assurer une grosse présence sur le Web et empêcher la concurrence d’exister.¹⁸

Et c’est avec ce nouveau produit “AdWords Select” que les revenus publicitaires de Google ont explosé.

C’est en voyant le succès de cette stratégie basée sur les données personnelles, que sont nos requêtes sur un moteur de recherche, que Google a réalisé à quel point il était rentable de pouvoir “prédire” ce qui allaient faire cliquer les internautes. De là, Google a étendu le raisonnement à TOUTES les données personnelles, qui peuvent par définition, améliorer leur prédiction et donc par la même occasion rendre l’impression de publicité plus efficace.

Ils étaient assis sur une mine d’or.

Et ça, ça a été le début … de la fin. C’est littéralement le début de l’économie de l’attention et aussi de ce que l’excellente Zuboff a appelé “le capitalisme de surveillance” où tous les moyens sont bons et légitimes pour extraire le plus de données possibles de ce qu’on fait sur le net afin de vendre toujours plus de clicks à des annonceurs qui tenteront ensuite de nous refourguer toute la merde dont on ne savait pas qu’on avait besoin.

En fait, c’est tout simplement le début de la personnalisation du web, des algorithmes de recommandation et de l’extraction de toutes les données personnelles possibles et inimaginables. Et donc par voie de conséquence c’est le début : des réseaux sociaux, des bulles de filtres numériques, de l’aggravation de la polarisation politique¹⁹ ²⁰ ²¹, de la culture du clash, de la manipulation massive d’élections²², de l’augmentation des maladies mentales chez les jeunes filles²³, etc.

Et tous ces effets indirects monumentaux parce qu’à un moment, Google a un peu modifié sa technologie pour trouver un modèle économique…

En fait c’est de ce “péché” originel qu’a émergé une bonne partie de la mouise de laquelle on essaie tous et toutes de se sortir au quotidien.

II/ Un peu d’humilité technologique

Ces trois exemples démontrent qu’une technologie peut avoir des effets indirects, imprévisibles, et parfois destructeurs pour notre société. Pourtant, notre culture associe encore trop souvent “innovation technologique” à “progrès”.

Cette conception du progrès technologique, qu’on peut renommer le modèle “naïf”, a la peau dure. Selon le chercheur américain Langdon Winner, le modèle “naïf” de la technologie s’appuie sur les “constats” suivants :

  • Les humains comprennent parfaitement les technologies qu’ils créent.
  • Nos technologies sont parfaitement sous notre contrôle.
  • Les technologies elles-mêmes sont neutres.

Il y a beaucoup à dire de ces 3 “constats” mais on peut commencer en remarquant que l’adoption d’une technologie crée tout un tas d’effets indirects que nul ne peut ni contrôler ni anticiper. Et parfois, nos inventions créent des problèmes encore plus importants que ceux qu’elles étaient censées résoudre, comme lorsque nous sommes passés du cheval à la voiture, en créant un problème de pollution encore bien plus important

Mais les effets indirects qu’on a décrit précédemment démontent un autre mythe du modèle naïf : celui de la neutralité.

Au contraire, une technologie est souvent créée dans la poursuite de certaines valeurs et aboutit à la création et à la transformation d’autres valeurs, comme l’a montré l’exemple de la charrue. Cette technologie semblait bien innocente de prime abord. Elle n’a pas été construite dans le but de faire disparaître l’animisme ou de modifier les rapports entre hommes et femmes. Et pourtant, elle aurait pu changer fondamentalement tous ces aspects de notre société.

La technologie n’est donc jamais neutre : elle a un impact sur nos valeurs et sur notre conception du monde.

On peut donc opposer au modèle naif un modèle de pensée plus réaliste. Appelons-le, le modèle “HUMBLE” de la technologie. Le modèle Humble fait des propositions opposées au modèle classique :

  • On ne comprend pas toujours nos technologies
  • Les technologies ont un certain nombre d’effets indirects qui ne sont pas toujours sous notre contrôle
  • Les technologies ne sont jamais neutres.

Voilà pourquoi il nous faut retrouver un peu d’humilité avant d’adopter en tant que société une nouvelle technologie. Mais face à tant de complexité, existe t-il un moyen d’anticiper les effets indirects d’une technologie ?

C’est difficile car par définition les effets indirects sont imprévisibles, la seule chose qu’on peut faire dans une certaine mesure, c’est être grandement sur nos gardes face à des technologies au potentiel d’effets indirects énorme.²⁴

Et il y a un type de technologie qui a toujours profondément bouleversé les sociétés humaines, ce sont les technologies liées à notre capacité à communiquer les uns avec les autres.

III/ L’importance des technologies de la communication

Comme l’explique Henrich dans son excellent “le secret de notre succès”, ce qui fait que nous sommes parvenus à une domination écologique planétaire, ça n’est pas, comme nous aimons le penser, une supériorité cognitive absolue mais une supériorité cognitive bien plus spécifique.

Il y a tout un tas de tests cognitifs sur lesquels on est à peine meilleurs que les orang outang et où les chimpanzés nous mettent la petite pichenette de l’humiliation :

Non, là où vraiment on sort du lot et où on écrase nos lointains cousins, c’est dans nos capacités d’apprentissage social et dans notre aptitude à acquérir le savoir-faire accumulé dans la culture dans laquelle on grandit, au travers notamment de la langue, des coutumes, des normes, de la maîtrise des outils.²⁵

Ce sont nos savoir-faire culturels et non notre génétique qui permettent aux communautés humaines de survivre dans tant de milieux différents et par des températures tellement extrêmes que même les loups arctiques sont un peu dans le durs.

C’est à cet apprentissage et à cette transmission culturelle que nous sommes particulièrement bien adaptés. Cette supériorité dans le domaine de l’apprentissage social est décuplée par l’utilisation de technologies qui permettent de communiquer encore plus rapidement et encore plus efficacement. D’où l’importance pour les groupes humains des technologies qui améliorent ce qui est la raison première de notre dominance écologique : la communication.

L’évolution culturelle cumulative, où chaque génération en sait plus que la précédente et parvient ainsi à mieux s’adapter à son environnement, est depuis des centaines de milliers d’années et aujourd’hui encore la force centrale de l’évolution humaine et ce type d’évolution dépend énormément de nos capacités à communiquer nos savoir faire.

Lorsqu’on observe l’évolution culturelle humaine, on s’aperçoit que chaque grande phase historique correspond à une nouvelle “technologie” de la communication.²⁶ ²⁷

En prenant ce léger recul historique de 2 millions d’années, on comprend mieux pourquoi les technologies qui changent, améliorent et accélèrent ce qui fait notre force en tant qu’espèce, c’est-à-dire notre capacité à communiquer les uns avec les autres, génèrent autant d’effets indirects. Ces technologies augmentent notre pouvoir collectif dont on se sert la plupart du temps pour modifier notre environnement pour qu’il fasse à peu près ce qu’on veut qu’il fasse.

Les innovations technologiques dans le domaine de la communication, ce sont des graines d’ouragans d’effets indirects.

Et il y a un Ouragan force 5 en approche qui pourrait tout détruire sur son passage…

ChatGPT risque d’être une technologie … révolutionnaire avec un potentiel de destruction sans équivalent.

Certains experts vont même jusqu’à considérer les grands modèles de langage comme un danger civilisationnel.

Mais comment ? Et quels seront les effets indirects des modèles de langage, et plus généralement, de l’intelligence artificielle ?

Qu’en pensez quoi ? Avez-vous lu ou vu des trucs intéressants sur le sujet, mettez tout en commentaires. Avec Victor, on est à fond sur le sujet et on écumera tout ça.

Le prochain article (et vidéo) sortira dans deux semaines.

En attendant,

Paix et santé,

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SOURCES / LIENS / POUR ALLER PLUS LOIN :

[1] Article de “The consilience project” “La technologie n’est pas neutre du point de vue des valeurs : Mettre fin au règne du design nihiliste” : https://consilienceproject.org/technology-is-not-values-neutral-ending-the-reign-of-nihilistic-design-2/

[2] Livre “Sexe, écologie, spiritualité : L’esprit de l’évolution” de Ken Wilber : https://www.thriftbooks.com/w/sex-ecology-spirituality-the-spirit-of-evolution_ken-wilber/312947/

[3] Sur les origines des rôles de genre “Les femmes et la charrue” : https://www.nber.org/system/files/working_papers/w17098/w17098.pdf

[4] Livre “Pouvoir féminin et domination masculine : Aux origines de l’inégalité sexuelle” de Peggy Reeves Sanday : https://www.thriftbooks.com/w/female-power-and-male-dominance-on-the-origins-of-sexual-inequality_peggy-reeves-sanday/338598/#edition=3530503&idiq=7790754

[5] Article “Pour comprendre la discrimination envers les femmes, il faut remonter à la charrue” : https://www.letemps.ch/economie/carrieres/comprendre-discrimination-envers-femmes-faut-remonter-charrue

[6] Daniel Schmachtenberger dans le deuxième épisode de la série “Bend not break” avec Nate Hagens : https://www.youtube.com/watch?v=Nkv5mpBA8o4

[7] Papier “Le rôle de la femme dans le développement économique” : https://www.researchgate.net/publication/280887884

[8] Article “La grande crise du fumier de 1894”: https://fee.org/articles/the-great-horse-manure-crisis-of-1894/

[9] Article wikipedia sur le phénomène : https://en.wikipedia.org/wiki/Great_horse_manure_crisis_of_1894

[10] Article “Le problème du fumier de cheval” : https://www.anglicansamizdat.net/wordpress/the-horse-manure-problem/

[11] Article “La moitié de la population américaine exposée à des niveaux de plomb défavorables dans la petite enfance” : https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.2118631119

[12] Pour une explication détaillée du fonctionnement de l’algorithme légendaire de Facebook, la vidéo “PageRank, a trillion dollar algorithm” : https://www.youtube.com/watch?v=JGQe4kiPnrU

[13] Les bouts d’entretien avec les deux fondateurs sur leur début sont passionnants, on peut y discerner l’origine geek, tâtonnante et bêtement techno-enthousiaste de Google. Tous les passages là : https://achievement.org/achiever/sergey-brin/#interview. Le passage où Larry Page explique l’algorithme : https://youtu.be/1wi9veSf93s

[14] Evolution des parts de marché des différents moteurs de recherche de 1994 à 2019 : https://www.youtube.com/watch?v=yMpj33Y95ZU

[15] Papier de recherche où les deux co-fondateurs de google remettent en question la pertinence des publicités sur les moteurs de recherche en 1998, “The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Search Engine”, partie “8 Appendix A: Advertising and Mixed Motives” : http://infolab.stanford.edu/~backrub/google.html

[16] Page 73 et suivante de “The age of surveillance capitalism” de Shoshana Zuboff : https://www.amazon.com/Age-Surveillance-Capitalism-Future-Frontier/dp/1610395697

[17] Un article sur comment Google a piqué l’idée de goto.com pour ensuite l’améliorer “Google’s Big Break“ : https://slate.com/business/2013/10/googles-big-break-how-bill-gross-goto-com-inspired-the-adwords-business-model.html

[18] Un article sur l’histoire du PPC (pay per click) marketing “A Beginner’s Guide to Pay-Per-Click Marketing“ : https://www.capterra.com/resources/a-beginners-guide-to-pay-per-click-marketing/

[19] Sur la polarisation, voir page 123 de “They don’t represent us” de Lawrence Lessig : https://www.amazon.com/They-Dont-Represent-Reclaiming-Democracy/dp/0062945718

[20] Sur la polarisation, voir également le livre de Barbara Walter “How civil war start” : https://en.wikipedia.org/wiki/How_Civil_Wars_Start (son passage dans le très bon podcast “Your undivided attention” : https://www.humanetech.com/podcast/50-what-is-civil-war-in-the-digital-age -

[21] Sur la polarisation, voir aussi le chapitre 3 “the downward spiral” de l’excellent livre de Tim Urban du blog waitbutwhy.com “What’s our problem, a self help book for societies” : https://waitbutwhy.com/2023/02/wop-chapter-3.html

[22] Sur la manipulation d’élections, le livre “Mindf*ck: Cambridge Analytica and the Plot to Break America” https://www.amazon.com/Mindf-Cambridge-Analytica-Break-America/dp/1984854631 et le documentaire “the great hack” : https://www.netflix.com/fr-en/title/80117542

[23] Sur le lien entre réseaux sociaux et santé mentale des jeunes, lire les très bons articles de Jon Haidt sur sa substack : https://jonathanhaidt.substack.com/ notamment son article “Social Media is a Major Cause of the Mental Illness Epidemic in Teen Girls. Here’s the Evidence.” : https://jonathanhaidt.substack.com/p/social-media-mental-illness-epidemic

[24] Épisode “Peut-on gouverner l’intelligence artificielle” du podcast “your undivided attention” sur la législation autour de l’IA : https://www.humanetech.com/podcast/can-we-govern-ai

[25] Schéma page 15 de l’excellent livre “The secret of our success” : https://www.amazon.fr/Secret-Our-Success-Evolution-Domesticating/dp/0691166854

[26] Article “Changements marquants dans l’évolution culturelle de la communication” : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jtsb.12361

[27] Article “Le langage en tant que technologie : Quelques questions que la linguistique évolutive devrait aborder” : https://mufwene.uchicago.edu/publications/Language%20as%20Technology.pdf

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